Parti Communiste International Corps unitaire et invariant des Thèses du Parti

 
CORPS UNITAIRE ET INVARIANT DES THÈSES DU PARTI

 
 

Les révolutions multiples

Réunion générale de Gênes du 26 avril 1953
[Per l’organica sistemazione dei principi comunisti]

 

     1 - La position de la Gauche communiste se distingue nettement, non seulement de l’éclectisme dans les manœuvres tactiques du parti, mais aussi du simplisme grossier de ceux qui réduisent toute la lutte au dualisme, toujours et partout répété, de deux classes conventionnelles, seules à agir. La stratégie du mouvement moderne prolétarien s’ordonne selon des lignes précises et stables, valables pour toutes les hypothèses d’action future, qui se réfèrent à des “aires” géographiques distinctes composant le monde habité, et des cycles historiques distincts.

     2 - L’aire première et classique du jeu de forces de laquelle fut tirée la première fois l’irrévocable théorie du cours de la révolution socialiste est celle anglaise. Dès 1688 la révolution bourgeoise supprimait le pouvoir féodal et extirpait rapidement les formes de productions féodales ; dès 1840 il est possible de déduire la conception marxiste du jeu de trois classes essentielles : propriété bourgeoise de la terre – capital industriel, commercial, financier – prolétariat en lutte contre les deux premières.

     3 - Dans l’aire de l’Europe occidentale (France, Allemagne, Italie, pays mineurs), la lutte bourgeoise contre le féodalisme va de 1789 à 1871, et dans les situations présentées par ce cours historique est à l’ordre du jour l’alliance du prolétariat avec les bourgeois quand ceux-ci luttent les armes à la main pour renverser le pouvoir féodal – tandis que les partis ouvriers ont déjà réfuté toute confusion idéologique avec les apologies économiques et politiques de la société bourgeoise.

     4 - En 1866, les Etats Unis d’Amérique se trouvent dans les conditions de l’Europe occidentale après 1871, en ayant liquidé les formes capitalistes impures par la victoire sur le sud esclavagiste et rural. A partir de 1871, dans toute l’aire euro-américaine, les marxistes radicaux refusent toute alliance et tout bloc avec les partis bourgeois et sur quelque terrain que ce soit.

     5 - La situation d’avant 1871, dont nous au point 3, se prolonge en Russie et dans d’autres pays de l’Europe orientale jusqu’en 1917, et dans ces pays se pose le problème que l’Allemagne avait déjà connu en 1848 : provoquer deux révolutions, et par conséquent lutter également pour les tâches de la révolution capitaliste. Pour qu’on puisse passer directement à la deuxième révolution, prolétarienne, il fallait une la révolution politique en Occident. Celle-ci fit défaut, mais la classe prolétarienne russe parvient cependant à conquérir seule le pouvoir politique, qu’elle conserva quelques années.

     6 - Tandis que dans l’aire européenne d’Orient, on peut aujourd’hui considérer la substitution du mode de production et d’échange capitaliste au mode féodal, dans l’aire asiatique, la révolution contre le féodalisme et contre des régimes encore plus anciens bat son plein; elle est menée par un bloc révolutionnaire de classes bourgeoises, petit-bourgeoises et travailleuses.

     7 - L’analyse que nous avons désormais amplement développée montre que ces tentatives de double révolution ont abouti à des résultats historiques divers : victoire partielle et victoire totale, défaite sur le terrain insurrectionnel accompagnée d’une victoire sur le terrain économico-social, et vice-versa. Le leçon des demi-révolutions et des contre-révolutions est fondamentale pour le prolétariat. Deux exemples classiques parmi tant d’autres : l’Allemagne d’après 1848 – double défaite insurrectionnelle des bourgeois et des prolétaires, victoire sociale de la forme capitaliste et établissement graduel du pouvoir bourgeois ; la Russie d’après 1917 – double victoire insurrectionnelle des bourgeois et des prolétaires (février et octobre), défaite sociale de la forme socialiste, victoire sociale de la forme capitaliste.

     8 - La Russie, du moins sa partie européenne, a aujourd’hui un mécanisme de production et d’échange pleinement capitaliste, dont la fonction sociale se reflète politiquement dans un parti et un gouvernement qui ont expérimenté toutes les stratégies d’alliance avec des partis et des Etats bourgeois de l’aire occidentale. Le système politique russe est un ennemi direct du prolétariat, et on ne peut concevoir aucune alliance avec lui, bien que la victoire en Russie de la forme capitaliste de production soit un résultat révolutionnaire.

     9 - Dans les pays de l’Asie, où domine encore l’économie locale agraire de type patriarcal et féodal, la lutte, y compris politique, des « quatre classes » est un facteur de victoire dans la lutte communiste internationale, même si elle aboutit dans l’immédiat à l’instauration de pouvoirs nationaux et bourgeois, tant par la formation de nouvelles aires où seront à l’ordre du jour les revendications socialistes, que par les coups que ces insurrections et ces révoltes portent à l’impérialisme euro-américain.