Parti Communiste International Autres numéros - Sommaire des numéros - n° 18-19 - n° 22-23
"La Gauche Communiste" N° 20-21 - Décembre 1991
Brûlantes actualités!
YOUGOSLAVIE
    Sarajevo en Serbie?
    Un heurt impérialiste mondial, et non une guerre entre ethnies.
RUSSIE
    Le stalinisme est mort! Que vive le communisme!
ALLEMAGNE
    Le mur des classes n’est pas tombé!
GRANDE BRETAGNE
    L’attaque concentrique contre les travailleurs britanniques continue.
LA GAUCHE ITALIENNE ET L’INTERNATIONALE COMMUNISTE (1919-1926)
IV. La fondation du P.C.d’I. à Livourne en 1921: 1. La formation du parti communiste d’Italie, exemple unique en occident - 2. La trahison du PSI et de la CGL lors des luttes prolétarienne de septembre 1920 - 3. Les différentes tendances politiques au sein di PSI en 1920 - 4. La préparation de la scission en complet accord avec l’I.C. - 5. Le congres de Livourne du PSI (15-21 janvier 1921) - 6. Homogénéité "organique" du P,C,d’I, et ses premières taches
V. La nouvelle tactique de l’I.C. et la critique du P.C.d’I. en 1921-22 - 1. Les prémisses de la nouvelle tactique - 2. Le 3e Congrès de l’I.C.: Allez aux masses! en juin-juillet 1921 à Moscou - 3. La tactique du Front unique prolétarien..
– Vie du Partie: La réunion du parti du 3 et 3 février 1991 [RG49]

 
 
 

BRÛLANTES ACTUALITÉS!

La social-démocratie, au pouvoir en France depuis 1981, semble éprouver une nouvelle fois quelques difficultés politiques et économiques que les innombrables manoeuvres de son increvable chef, M. Mitterand, et les coups de gueule de sa femme de main, le premier ministre E. Cresson, n’arrivent guère à contourner. Et comment pourrait-il en être autrement? Quelles solutions miracles la classe dominante et son mercenaire socioïde (nous essayons maladroitement de devancer l’actualité, car bientôt les socialistes chercheront un autre nom de baptême plus à la mode!), assistés des syndicats intégrés dans le système de survie du capital agonisant, vont-ils exhiber pour museler davantage le prolétariat et éviter l’explosion de leur édifice socio-économique?

 A première vue, le danger n’apparaît pas bien grand, malgré les clameurs des mass médias et des petits bourgeois. Si l’on s’en tient à la journée de grève du 24 octobre dernier, pompeusement intitulée "journée d’économie morte pendant 24 h!" et préparée par le syndicat Force Ouvrière, appuyé par la CGT et quelques sections parmi les plus "courageuses" de la CFDT, la classe dominante peut dormir sur ses deux oreilles! Les infirmières des hôpitaux derrière leur coordination vivement catégorielle, la régie des transports urbains de Paris (RATP), la SNCF, les chauffeurs de taxi et les routiers se sont gentiment mis en mouvement, sans unité de lieu et d’espace, et n’ont guère fait trembler les bourgeois, et encore moins paralysé l’économie du pays! Il faut avouer que les gouvernants, soucieux de se montrer d’excellents démocrates, c’est-à-dire de commencer les tractations la veille et donc avant que la pression de la rue ne les y oblige, ont permis un freinage du mouvement revendicatif plus efficace que la "bonne volonté" inefficace de quelques syndicats! Le prolétariat industriel, quant à lui, s’est fait presque silencieux, assommé par la récession économique, les licenciements distillés doucement mais continuellement, la désorganisation et la démoralisation! Les émeutes de jeunes, émargés de la société de consommation, souvent enfants de prolétaires et futurs chômeurs de durée indéfinissable, dans les banlieues des grandes métropoles, représentent pour le moment le seul cri de révolte poignant du monde ouvrier abandonné par ses organisations économiques et coupé du lien organique avec son parti.

 Mais qui tient donc la chronique de la colère populaire et fait taper rageusement du poing le président de cette maudite république ? Eh bien, nos braves paysans, qui agitent le spectre de la jacquerie, et rappellent haut et fort que 1789 a pris naissance... dans les campagnes! Ils commencent en effet à s’énerver sérieusement, car depuis l’ère gaulliste de 1960 leurs revenus et leur nombre rétrécissent comme une peau de chagrin! Mais le coup de grâce assené sur leurs têtes par les impératifs de la Maison Communautaire européenne de Bruxelles les ont jetés dans le désespoir! Les voici passant littéralement à l’offensive des institutions républicaines: les déplacements ministériels dans les départements régulièrement perturbés, des dizaines d’attentats à l’explosif dans le Midi viticole, 150 opérations de "commando" depuis le 9 octobre comprenant des barrages routiers pour intercepter des camions transportant de la viande étrangère, des kilos de foie gras déversés dans les cours des préfectures et dans les piscines des députés (quel gâchis!), la chasse houleuse aux parlementaires et aux élus, des incendies de trésoreries, des saccages d’établissements stockant du vin non français, et des affrontement avec les forces de l’ordre, plutôt conciliantes par ailleurs... Un électorat à préserver, on ne sait jamais!

 Le spectacle continue! La Circé social démocrate, la bouche pleine encore de belles phrases humanistes, se dépêtre plus ou moins laborieusement dans le scandale de la transfusion sanguine. La moitié des hémophiles français (ne parlons pas de ceux du reste du monde "développé"!) se trouvent ainsi transformés non en pourceaux, mais en mort sursitaire. Nos responsables de la Santé et de l’établissement producteur et importateur de produits sanguins incriminé (par ailleurs une entreprise en faillite avant l’éclatement du scandale de ces derniers mois), assisté d’un bon paquet d’éminents scientifiques, auraient sciemment autorisé l’utilisation en 1985 de fractions anti-hémophiliques contaminées pour ne pas gâcher, en bonnes petites ménagères gérant les sous de l’État, une marchandise importée au prix fort de pays qui saignent le prolétariat affamé et malade des tiers et quart mondes. L’argument massue avancé par ces chefs d’entreprise était que le virus sidaïque ayant déjà largement frappé, il suffisait de protéger les seuls hémophiles épargnés. Merci pour les autres! Les éclaboussures atteindraient même l’ex-premier ministre de l’époque L. Fabius, dauphin et disciple de M.Miterrand, accusé d’avoir détourné une partie du budget destiné à la lutte contre le sida en 1985, pour un autre secteur jugé plus important alors; pratique très courante, nous révèle-t-on: le parlement vote un budget, mais le premier ministre peut décider indirectement d’une répartition différente! Le pouvoir n’est donc pas dans les mains de nos élus! Et nombreux de s’étonner – et nous de constater douloureusement que le monde politique demeure parmi les masses en France un domaine sacré où les paroles sont d’or et l’État un gardien du "droit" – que la politique de ceux qui se disent toujours à gauche aient pu faire passer des intérêts d’argent, étatique en tout bien tout honneur, avant ceux de la personne humaine. Le respect de la personne humaine n’a jamais rien rapporté au capital, bien au contraire; et de plus l’offensive de la classe dominante dans le secteur de la Santé en France démontre clairement à tous nos aveugles congénitaux que la prospérité n’est plus là pour permettre de réparer la force de travail en puisant dans les surprofits, mais qu’il va falloir que la maladie rapporte plus, que les hôpitaux soient rentables, et que celui qui ne peut pas payer aille se faire absoudre chez Saint Pierre, ou... plutôt chez l’abbé Pierre, notre petit père des pauvres, raccommodeur de vieilles paillasses!

 Et c’est pas fini! Voilà que l’on nous ressert la pantomime de Maurice Papon, fonctionnaire d’État c’est-à-dire homme de main de la classe dominante de toutes les couleurs; déjà là en 1936 sous le front populaire, on le retrouve en 1940-45 comme secrétaire de préfecture à Bordeaux sous le gouvernement de Vichy, responsable d’avoir livré des juifs aux nazis, fait pour lequel il est régulièrement poursuivi chaque décennie, et auquel il réchappe à chaque fois miraculeusement! Lié officiellement à la droite, il est défendu par la caste des hauts fonctionnaires d’État, y compris par des anciens résistants communistes auxquels il aurait rendu des "services" pendant la guerre. L’État bourgeois ne défend qu’un seul camp, celui du Capital! La liste des exploits du bonhomme s’est pourtant allongée d’un autre haut fait historique plus récent, que certains journaux de "gauche", après quelques dizaines d’années de censure, ont jeté en pâture dans la bataille faussement fratricide! Le 17 octobre 1961, six mois avant la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, le FNL appelle les Algériens à une manifestation à Paris pour répondre au climat de terreur instituée par la police française. A la tête de la préfecture de police depuis mars 1958, M. Papon est le maître d’oeuvre de la répression. 30.000 manifestants, 11.000 arrestations, matraquages féroces et sanglants sous l’oeil indifférent des Parisiens, fusillades, corps jetés dans la Seine. 300 Algériens assassinés ou disparus. Une gigantesque "ratonnade", diront nos anti-racistes! Pour nous, communistes génétiquement internationalistes, il s’agit là d’un nouveau forfait de la classe dominante contre le prolétariat, et ces 300 victimes s’ajoutent aux innombrables massacres perpétrés par la bourgeoisie contre son ennemi de classe.

L’"union" européenne offrirait-elle une voie de salut solide au capital national ou régional? Le refus par Bruxelles du monopole aéronautique et la crise yougoslave ont mis en évidence quelques grosses failles.

Après les "utopies démocratiques" de saveur plutôt fade évoquant une zone "communautaire" économique et politique pour la libre circulation des hommes et des marchandises, la CEE se révèle être principalement un marché de libre échange plus ou moins libre pour les marchandises des 12 pays concernés, c’est -à-dire une arme pour les bourgeoisies européennes les plus fortunées dans leur lutte sur le marché mondial du capital contre les concurrents américain, japonais et de l’Asie du sud est. Mais les antagonismes bourgeois régionaux et nationaux sont tels que la réglementation de ce marché dévore de façon croissante les domaines forestiers en remplissant des kilomètres de papier! Les divergences économiques entre les douze alliés du pacte demeurent, et elles se soldent par un unité politique difficile. La concurrence dans la course aux marchés de l’Est, la crise yougoslave avec les tentatives françaises pour contenir l’expansionnisme allemand (une nouvelle fois!), et autres, réveillent les vieux conflits interbourgeois et font de l’union européenne une mission impossible. L’ "unité" se forge en fait sous la tutelle de la locomotive allemande, et avec la création d’une future Banque centrale. Cette Banque de gouverneurs, non élus et non responsables devant qui que soit hormis le dieu Moloch du Capital, fixerait à la place des gouvernements nationaux les orientations de leur politique économique (une espèce de F.M.I.!), leur laissant le soin d’en assumer les conséquences sociales devant les citoyens. Ceci a fait dire au socialiste J.P. Chevènement, ex-ministre de la défense, démissionnaire durant la guerre du Golfe, qu’en Europe "l’homo économicus règne. L’Europe libérale reste une affaire de gros sous" (cité dans le Monde diplomatique d’octobre 91 p.11). Belle découverte pour un socialiste déçu, qui sait pourtant que la bourgeoisie internationale gouverne non pas à l’aide de ses élus, mais dans ses clubs "privés", comme ceux si fameux de Paris et de Rome, formés d’économistes et de financiers, et pas pour des motifs humanitaires!

 La tutelle politique de la puissance militaire USA se poursuit, comme la crise du Golfe l’a mis en évidence de façon spectaculaire, et comme le montre aussi l’organisation des pourparlers pour la "paix " au Moyen Orient. C’est-à-dire l’obtention d’un plan de contrôle féroce sur les prolétaires de la région, israéliens et palestiniens; ceux irakiens ont été écrasés dans la fausse guerre contre le dictateur Sadam, et ils se débattent désespérément pour la simple survie, affamés par l’embargo; ne parlons pas de ceux syriens maintenus par la terreur... La "Communauté" européenne s’est contentée d’assister au ballet diplomatique de M. James Baker, alors qu’elle ne manque pas de moyens de pression pour se faire entendre; et la France, interlocuteur traditionnel, s’est laissée tranquillement évincée. Les Américains ont même l’impudence de proposer la création d ’une communauté euro-atlantique, fondée sur une libre circulation des marchandises et des capitaux "de Vancouver à Vladivostok" sous la dominante politico-militaire des USA, et celle économique de l’Allemagne. Le cowboy yankee n’a jamais fait dans la dentelle; se passera-t-il désormais de la répugnante phraséologie démagogique sur la démocratie et la liberté, maintenant qu’on a déboulonné la statue d’un de ses prophètes, Saint John Fitzgerald Kennedy, le président humaniste, bon père, bon époux, qui, dénoncé par une de ses innombrables maîtresses et surtout par un clan bourgeois ennemi, se révèle avoir régulièrement utilisé les services de la Mafia?

 La proposition américaine d’un bloc euro-atlantique est appuyée par les nouveaux arrivants de l’Est, poussés par la crainte de retomber sous la coupe russe! Ces derniers, assoiffés de "liberté dorée", espèrent même pénétrer bientôt dans la CEE avec leurs marchandises et leurs travailleurs. Or ce que l’Est se propose de vendre aux grands frères – produits agricoles, sidérurgie, textile, main d’oeuvre à bon marché – heurterait dangereusement les productions des douze plus ou moins laborieusement équilibrés entre elles, déjà excédentaires dans ces secteurs (Pensons aux agriculteurs français bien mal en point!). De nouveaux pans d’illusions démocratiques vont bientôt tomber!

 Et certains philosophent encore sur un "idéal" d’Europe communautaire, vécue comme un ensemble homogène d’individus, épanouis par la suppression des frontières et par des intérêts économiques bien gérés, c’est-à-dire en réalité une Europe envisagée comme une seule et unique entreprise commerciale à multi-branches, solidement structurée pour affronter la concurrence "étrangère". L’utopie des Thomas More, des Fourier, des Saint Simon avait une autre allure! Quand donc ces pseudo-naïfs sauront comprendre les livres d’histoire, qui disent clairement que l’ "unification" économique et politique ne s’est jamais faite sur le mode "communautaire" – un mode qui n’oppose pas l’individu au social – mais immanquablement à travers les lois des rapports de force économique; et ceci dans les sociétés de classe basées sur l’exploitation de l’homme par l’homme, la propriété privée et sur le profit "insensé", aveugle, et inhumain. Seul le communisme, qu’ils haïssent viscéralement par ailleurs, pourra résoudre les antagonismes inhérents aux sociétés de classe, et poser les bases d’un corps social réellement communautaire. Comme le marxisme l’a depuis longtemps enseigné à ceux qui veulent l’entendre, seule la lutte de classe – que ces "utopistes de fin de règne" nient – ouverte et violente, et le triomphe du prolétariat, feront accoucher le système capitaliste d’une société humaine et débarrasseront les hommes des horreurs de la société de classes.
 
 
 
 
 
 



Les quatre articles qui vont suivre se rapportent à des conflits auxquels la classe dominante internationale se trouve actuellement confrontée: Yougoslavie, Russie, Allemagne, Grande Bretagne. Nous nous sommes largement aidés d’articles parus dans notre organe italien, Il Partito Comunista, d’août et septembre 1991.
 
 
 

YOUGOSLAVIE

Sarajevo en Serbie?

Les équilibres défaits (et notre Parti en avait analysé les motifs et les limites historiques depuis des années), le masque du soi-disant "communisme russe" tombé, les structures des États-nations et des États sans nation en Europe sont redevenues fluides, après 45 ans de status-quo garanti par un faux ciment idéologique.


 La balkanisation des rapports entre États capitalistes au niveau européen, et en partie aussi asiatique, qui menace, n’est plus une de nos "inventions", mais une réalité; il s’agit cependant d’approfondir les causes de l’ "instabilité" politique actuelle. Nous restons fermement convaincus que les conflits entre États sont fondamentalement des conflits entre classes, mais nous ne sommes pas naïfs au point de croire que la lutte des classes pour le socialisme survient selon nos désirs et nos attentes, c’est-à-dire quand cela nous convient!

 Il n’est pas une gazette bourgeoise qui n’est agité à propos de la crise yougoslave le spectre de Sarajevo: quiconque a lu un livre d’histoire se rappelle que la première grande guerre, que nous appelâmes déjà impérialiste, et que au contraire beaucoup aujourd’hui en Italie considèrent comme la 4 ème guerre pour l’indépendance nationale (sic!), utilisa comme prétexte le meurtre de l’archiduc François Ferdinand de Habsbourg.

 Puisque des millions de prolétaires et des dirigeants des partis qui se rattachent à la classe ouvrière (mais à propos, y-en-a-t-il encore?...) sont toujours sous les effets des ivresses opportunistes, il nous semble nécessaire de souligner les différences de taille qui séparent la situation actuelle de celle de la première guerre mondiale:

 1-Tout en affirmant fermement que les conflits de classe déterminent le heurt entre les États, à la différence de 1914, le théâtre européen est devenu mondial d’une façon encore plus complète: l’Europe reste l’épicentre de la crise et de son accélération, mais avec un prolétariat qui a subi 70 ans d’assauts contre-révolutionnaires, à côté desquels la soi-disant phase thermidorienne, si l’on fait une analogie avec l’histoire de la bourgeoisie, apparaît presque ridicule.

 2 - Dans cette période historique, le prolétariat a subi des saignées gigantesques, dues à l’absence de riposte révolutionnaire de la classe ouvrière occidentale au 1917 russe, source d’une défaite amère scellée par la trahison stalinienne. Une seconde hémorragie tragique fut provoquée par le 2 ème conflit impérialiste durant lequel il combattit pour des tâches nationales qui n’étaient pas les siennes, avec pour conséquence la grave désorientation qu’aucun mur de Berlin ni sa chute récente n’ont été en mesure de dissiper; et ne parlons de l’août "révolutionnaire" à Moscou cette année!

 3 - La menace de la balkanisation européenne désormais en acte trouve donc objectivement les organisations ouvrières à leur minimum historique autant du point de vue statistique que politique, à part notre faible voix qui se relie (que les bourgeois et autres traîtres l’admettent ou non!) au fil rouge de la révolution communiste.

 4 - Si nous reprenons les conditions que Lenin posait magistralement pour définir une période historique favorable à la Révolution, nous devons souligner que certaines sont déjà présentes et d’autres complètement inexistantes. En premier lieu, la classe dirigeante bourgeoise vit une profonde crise qui la rend incapable de perspectives à long terme; il suffit de penser aux marges très réduites d’augmentation du taux de profit, signe typique indiquant un mode de production capitaliste asphyxié et agonisant qu’aucune injection ne sera en mesure de rajeunir, malgré les grandes promesses du marché illimité de l’aire russe, si l’on s’en tient à l’optimisme facile des hystériques du moment. La crise de la bourgeoisie existe donc, mais nous devons tenir compte du fait que ses pertes apparaissent encore supportables à cause de l’incapacité de réaction générale de son ennemi historique, enfermé dans les structures de l’État, autant au niveau économique que politique; et cette paralysie est due principalement à la fonction assumée par l’opportunisme.

 En second lieu , la classe ouvrière européenne, après les sursauts confus mais réels de 1969, a largement subi la normalisation étatique, et a donné des signes sérieux de combativité seulement dans certaines contrées, et avec l’issue politique inévitable que l’on sait; nous faisons ainsi allusion à l’expérience polonaise. Nous ne devons pas non plus oublier les grèves des mineurs russes dont il serait opportun d’approfondir la fonction dans les événements récents.

 En troisième lieu, la situation des grands pelotons ouvriers qui essayent de se maintenir dans leurs tranchées est bien préoccupante; par cette tactique de combat, ils répondent aux bombes tirées quotidiennement sur leurs têtes par les faux partis ouvriers, qui ont désormais explicitement honte d’être ainsi qualifiés, et préfèrent l’adjectif démocratique tout court! Les mots définissent enfin les actes, et nous sommes les premiers à applaudir!

 En quatrième lieu, le parti historique de la Révolution est fatalement réduit à de maigres effectifs, et, comme hier, et à plus forte raison aujourd’hui, ne peut s’illusionner de pouvoir "combler l’abîme" entre parti et classe, comme le soutiennent imprudemment certains subjectivistes. Nous qui avons été dans les années 20 accusés de "nullisme" révolutionnaire, nous pourrions être encore cette fois-ci atteint de la même "maladie". Peu nous importe! Nous n’avons pas l’illusion de croire que nous pouvons décider avec la tête de la situation historique favorable; nous serions alors de bien piètres matérialistes!

 Notre thèse affirme donc que la balkanisation des États n’est qu’un épiphénomène d’une crise sociale profonde et droguée, et que l’extension du heurt entre régionalismes opposés correspond à la tentative désormais armée de bourgeoisies plus puissantes pour s’accaparer des zones d’influences nécessaires à la survie du Capital en général. Ce nouvel assaut contraindra-t-il la classe ouvrière à réagir à l’écrasement , à retrouver le chemin de son organisation autonome, jusqu’à rétablir le rapport organique avec son parti historique? Prédications ou utopies? Nous disons clairement que nos théorèmes sont tous justescelui-ci y comprisprophétisant le plus souvent l’écroulement du faux socialisme; la Révolution est une question pratique que seuls ceux qui connaissent tous les théorèmes sont en mesure de diriger!
 

Un heurt impérialiste mondial, et non une guerre entre ethnies

Nous voici dans les guerres entre les républiques yougoslaves, d’abord celle entre la Serbie et la Slovénie, vite résolue par la confirmation de l’autonomie de cette dernière, ensuite celle entre la Serbie et la Croatie qui au contraire est conduite avec des moyens plus typiques, c’est-à-dire l’occupation d’une partie du territoire croate, les destructions et les souffrances des guerres des industrialismes modernes. Il n’est pas à exclure que la bourgeoisie slovène se soit mise secrètement d’accord avec la bourgeoisie serbe pour obtenir son autonomie contre l’abandon des Croates à la Grande Serbie. Le plan ne réussira peut-être pas, mais pour le moment les Serbes ont rejoint l’Adriatique, ce qu’ils n’avaient pas pu faire en 1912 à cause de l’opposition italienne.

La crise entre les républiques est issue du démantèlement de l’empire ottoman en Europe; mais aucune nationalité n’a jamais réussi à prévaloir sur les autres, aidé en cela par les efforts des diplomaties européennes et russe. Nonobstant les guerres d’indépendance de la fin du siècle, et celles internes de systématisation qui ont fait suite, l’incorporation de la Serbie, de la Croatie et de la Slovénie dans le nouvel État yougoslave résulte de la première guerre impérialiste, et a été réalisée pour sanctionner l’Allemagne. Mais l’économie des différentes républiques n’est pas allée en convergeant et en formant un tissu national homogène productif et mercantile, qui aurait pu effacer les héritages historiques, de type économique, linguistique et religieux plus que raciaux.

Dans chaque crise, la bourgeoisie yougoslave ne se cache pas derrière l’État fédéral, mais derrière ceux républicains; même durant l’occupation allemande de la seconde guerre mondiale, les bourgeois slaves ont continué à s’égorger entre eux.

Le fait ethnico-culturel recouvre celui économique, certaines régions sont disproportionnellement plus riches et plus industrialisées que d’autres, et différemment orientées dans les champs et les flux mercantiles et financiers européens et mondiaux. Cette faiblesse nationale, cette balkanisation économique, imposée en politique par le jeu impitoyable des plus grandes puissances européennes se retrouve dans l’économie: le centre austro-allemand et aussi italien pousse vers le sud-est en direction du pétrole du Moyen-Orient; celui russe vers les détroits et celui méditerranéen: ces deux derniers sont depuis toujours en concurrence et bloqués par la stratégie encore plus réactionnaire pour la défense du status quo régional des gentlemen franco-anglais. La frontière, la faille, qui divise ces blocs, passe justement entre la Bosnie-Croatie et la Serbie.

 La soi-disant déviation titienne, c’est-à-dire la revendication d’autonomie du bloc soviétique et de neutralité depuis 1948, a signifié la formation d’une zone franche entre les blocs, après le retrait en 1945 de l’armée russe de cette berge adriatique convoitée. L’abandon des projets de collectivisation agricole et d’ "autogestion" ouvrièrequi provoqua l’extase d’une génération entière d’anti-autoritaires et d’ouvriéristes occidentaux!s’explique par la faiblesse de l’État fédéral face aux républiques les plus riches qui, avec l’alibi de la cogestion, s’approprièrent des impôts et du pouvoir. Avec les sous, on s’achète des armes et des mercenaires, comme on peut le constater aujourd’hui! La réforme agraire manquée, la structure parcellaire petite-paysanne misérable renforcent les préjugés localistes et déchaîne les haines religieuses entre les trois Églises (musulmane, orthodoxe et catholique). Cet État relativement pauvre et faible ne peut pas ne pas produire des signes d’éclatement à chaque crise, soumis comme il l’est à la formidable pression des capitalismes de masse continentale, avec ses petites républiques qui se crachent à la figure tout en se vendant au plus fort pour des guerres par procuration.

 A l’échelle historique, la classe dominante mondiale manque d’une perspective de vie sociale et s’agrippe à des plans de survivance à court terme, quelqu’un soit le coût humain. Que peut donc espérer une bourgeoisie et une petite bourgeoisie balkanisée si la finance de Wall Street décide d’une nouvelle "Tempête dans le désert" dans la campagne de Zagreb et de Belgrad , c’est-à-dire un pogrom dans le village d’à côté ?

 De tels horribles spectresen apparence sans signification historiquequi hantent les eaux bourbeuses du marais petit-bourgeois, correspondent aux prémisses de la prochaine crise générale du mode de production capitaliste. Et non seulement dans les Balkans!

 Le prolétariat qui par nature n’est ni balkanique, ni russe, ni allemand, etc..., mais mondial, se situe en dehors de ce bourbier. Il est aujourd’hui désorganisé, trompé, contraint de se soumettre au bon vouloir de ses maîtres, mais ses intérêts même contingents ne seront jamais ceux d’une Zagreb, ni d’une Washington. Le prolétariat yougoslave existe, et a des traditions bien autres que celles de sa bourgeoisie. Rappelons que le P.S. serbe fut parmi les rares qui s’opposèrent à la soumission prolétarienne pour la défense de la patrie lors de la première guerre mondiale, repoussant fièrement d’appuyer le "nationalisme" d’un jeune et petit État encerclé par des géants.

 Pour la Slovénie, nous avons d’abord l’action des sections julienne et istrienne du P.S. autrichien, ensuite, après la "libération", du P.C. d’Italie qui maintinrent toujours l’unité organisative pour les prolétaires de langue slave et italienne et une attitude défaitiste identique contre le prétexte irrédentiste de Trieste.

Plus récemment, même privée de son parti écrasé par la contre-révolution mondiale, la classe ouvrière yougoslave a fourni des preuves remarquables de sa combativité dans des actions défensives étendues dont les échos ont lacéré de façon répétée les parois rembourrées de l’information bourgeoise, en affrontant dans la rue son patronat "ethnique" et les forces de l’État fédéral.

On ne sait rienou presquedes manifestations d’opposition prolétarienne à cette nouvelle guerre entre bourgeoisies qui en réalité est une nouvelle guerre contre les prolétaires. Il est possible que les ouvriers échappent à nouveau à la superstition nationaliste et se refusent à se faire massacrer pour des intérêts réactionnaires et qui leur sont ennemis.
 

Mais la classe ouvrière des plus grands pays européens et de Russie se lèvera pour étrangler les vautours qui voltigent au dessus des foyers plus ou moins étendus de guerres qui éclatent au niveau des anneaux les plus faibles de l’unique chaîne impérialiste! Seulement alors la révolution redressera la tête et pourra empêcher le troisième massacre mondial des forces prolétariennes qui s’annonce.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 



RUSSIE

Le stalinisme est mort! Que vive le communisme!

De grâce, Messieurs les bourgeois, ne parlez pas de révolution ou de contre-révolution à Moscou! Et vous seigneurs démocrates, on aurait pu vous servir un morceau moins burlesque pour la nouvelle passation de pouvoir en Russie, après 70 ans de parti unique et une confession publique de gestion capitaliste! La vulgarité bien bourgeoise des nationaux staliniens, leurs tirades timorées vous a offert une pièce de boulevard intitulée "Coup d’État raté", et dont la mise en scène s’effondre sous la fadeur du bon Gorbatchev parti une semaine à la mer, sous les pantomimes exténuantes des grands méchants représentants de l’État qui organisent un coup de palais sans arrêter un seul opposant, sans décrocher un téléphone, sans faire couler le moindre filet de sang, sous les fanfaronnades éculées des démocrates qui ne veulent, ni ne peuvent se débarrasser du vieux personnel stalinisé et momifié dans l’économie planifiée. Et tous ces pseudo maîtres d’oeuvre jouant face à un public indifférent de classes travailleuses amorphes ou hostiles; quelques cris d’intellectuels en quête de rôle important à jouer, et les zorros eltsiniens qui font dans les réparties grandiloquentes et grossières, d’une mystérieuse efficacité! Et tout cela avec la bénédiction du pape de la liberté... étoilée , Mister Bush.

 Derrière toute cette agitation scénique, l’État, la police, l’armée, les banques, n’ont jamais perdu le contrôle de l’ordre et des classes opprimées, malgré le frénétique remplacement des culs bureaucrates par ceux démocrates dans les fauteuils des arcanes.

 Le capital russe, réseau d’intérêts financiers à l’échelle continentale, étranglé par la chute du taux de profit (mais pas plus que les "riches" concurrents occidentaux et orientaux), s’incarne dans une vigoureuse et bien vivante classe bourgeoise, composée d’entrepreneurs, de commerçants, de financiers, et de... rentiers. Émancipée de la protection de son état édificateur et accumulateur, parvenue à son plein développement, cette dernière se décide à congédier une caste infinie de fonctionnaires élevés dans le sérail du P.C., caste pléthorique, avide, inefficiente. La bourgeoisie "soviétique" voudrait maintenant se libérer des entraves du parti-État, "conservateur", qui jusqu’à hier lui a servi à se donner une colonne vertébrale économique, politique et idéologique pour maintenir l’empire du dedans et du dehors. Cet appareil déconsidéré par la défaite de l’Afghanistan, par la perte de son influence en Europe, par l’abandon de son allié iraquien, est désormais devenu gênant. A l’intérieur de l’empire, niché dans les conseils d’usines, de kolkhozes et de sovkhozes, il résiste au déchaînement de la restructuration qui frappe aussi bien les grands que les petits chefs. L’expropriation proclamée des biens mobiliers et immobiliers du P.C. aurait un poids économique certain, en plus du licenciement de tous les fonctionnaires largement rétribués et subventionnés.

 Mais les démocrates, tous ex-nationaux-communistes en fait, ne peuvent s’en tenir aux apparences: la Russie n’est pas Moscou et Leningrad (Pardon, Saint Petersbourg!), et il est peut-être plus facile de reprendre le Smolny que de changer les dirigeants des kolkhozes... Kolkhozes et sovkhozes ne se prennent que par une révolution, et une vraie. La bourgeoisie ne peut les expulser que de l’extérieur, par la faim, avec des prix bas du marché réformé, mais il faut pour cela des décennies et un beau tremblement de terre social, quand on sait que un cinquième de la population se trouve dans le secteur agricole.

 Pour le reste, le changement de personnel dans les corridors du Kremlin et dans les parlements républicains et celui de la couleur des drapeaux n’ouvre pas de perspectives nouvelles à la crise capitaliste russe, facette de la crise mondiale de fin de siècle; le difficile n’est pas de faire des programmes de réformes pour une presse "libérale", commune à tous les partis, mais de les réaliser. La démocratie ne nourrit pas, comme le savent les ouvriers des chantiers de Dantzig, et peut-être déjà ceux des mines du Donbass, même si elle déverse plus de vodka.

Les mêmes accents nationalistes, grands russes d’un côté, indépendantistes de l’autre, ne préludent pas à un démembrement de l’empire, mais servent de pâture démagogique à la petite bourgeoisie, partout et toujours aussi odieuse, et qui ne connaît pas d’autres idéaux. La bourgeoisie a désormais un seul projet historique: la réaction, et elle nie jusqu’à son passé nationaliste. Seule une guerre impérialiste changera les frontières imposées par la précédente. L’exception de l’Allemagne le confirme. La systématisation impérialiste mondiale est source d’énormes tensions prêtes à exploser, mais elle est aussi paralysée par d’innombrables vetos croisés. Le condominium russo-américain sur le monde sert avant tout aux U.S.A. avec en second les Russes, et contre les concurrents réels, l’Allemagne et le Japon. Les petites républiques baltesde quelques millions d’habitants!ne seront jamais réellement indépendantes, insérées, comme les Ukrainiens, les Russes blancs et les asiatiques, dans le même tissu économique, et sous la couverture atomique de la même armée.

Le vrai problème de l’impérialisme russe est celui de trouver son orientation dans le polygone mondial des forces diplomatiques et militaires; l’ours russe au lieu de lécher goulûment le miel empoisonné de la liberté américaine, ou de quémander les aides de la maison commune européenne, pourrait demain découvrir des maisons bien plus "communautaires" en Asie...

 Nous nions l’affirmation selon laquelle le stalinisme, ce faux communisme trompeur, pourrait ressusciter demain pour des buts toujours antiprolétariens, comme nous nions celle qui voit aujourd’hui la victoire de la Démocratie: le gène démocratique et pacifique est récessif, celui fasciste et belliciste dominant, dans la carte chromosomique du capital. En août 91 à Moscou nous n’avons pas assisté à la victoire de la paix et de la liberté, mais à une nouvelle étape vers la guerre et l’oppression entre les États.

Et si aujourd’hui les bourgeoisies célèbrent avec obscénité la mort du communisme dont il font abattre par le sous prolétariat des métropoles russes les statues fétichistes dressées par les staliniens, c’est pour mieux aggraver le défaitisme et la démoralisation des masses prolétariennes frappées de toutes parts par les méfaits de la crise économique du capital. Oui, le communisme a été écrasé, non pas en 1991, mais en 1926, et pas seulement en Russie! Aujourd’hui le stalinisme, son bourreau, tombe à son tour, et avec lui les maigres illusions qui pouvaient encore égarer les prolétaires. Quant au capitalisme, messieurs les bourgeois, il est bien mal en point! La faucille du communisme le fauchera peut-être bientôt.

LE STALINISME EST MORT! QUE VIVE LE COMMUNISME!

 
 
 

 

ALLEMAGNE

Le mur des classes n’est pas tombé!

Voici un extrait de Il Programma Comunista de mai 1959:

«Les Quatre se sont réunis pour chanter aux peuples l’air de la libération du peuple allemand (...) Nous ne ferons pas l’horoscope de ce que les grands et leurs larbins réunis à Genève concluront. Nous sommes certains que, quelque soit la chose dont la montagne accouchera, ce sera une énième escroquerie sur la peau des "peuples concernés" et une nouvelle source de conflits. La paix ne peut sortir du règne de la guerre; la vie ne peut sortir des sépulcres blanchis de l’impérialisme mondial d’Occident et d’Orient. Ils bourreront les crânes avec leur rhétorique poussive, ils videront les poches des pauvres bernés, ils se couperont la gorge, ils pousseront les prolétaires, si tout se passe comme ils le désirent, à s’égorger les uns les autres. Si les "destinées de l’humanité" dépendent de leurs tables de discussion, pauvres destinées et malheur au genre humain! Une seule chose sortira de leurs discussions: des contrats d’affaires. Khrouchtchev avec son discours de Kiscinev a donné l’épigraphe de leur congrès. "Nous ne sollicitons pas de crédits, mais nous proposons aux hommes d’affaires occidentaux de conclure des accords commerciaux qui seront avantageux pour les uns et pour les autres"; ceci s’appelle, nous devons l’admettre, parler franc. Les prolétaires des deux bords savent à quoi s’en tenir: des affaires pour leurs patrons, du salut pour leurs ennemis, sueur et sang pour eux!».

 Cette citation n’a pas besoin de commentaires. Le fait nouveau est que, après 30 années d’accumulation, l’Allemagne a pu s’acheter l’est. Pour le capital de l’est, la liquidation a signifié le salut, fournissant la possibilité d’introduire dans le processus productif des méthodes occidentales plus raffinées, grâce auxquelles on assiste à une exploitation intensifiée du prolétariat. Mais la grande affaire est pour le capital allemand désormais réunifié.

Voyons les données statistiques que le Bureau fédéral de Wiesbaden a rendu pour 1990. Une croissance réelle du P.N. B. à 4,6% (pour le troisième trimestre, 5,5%), la plus importante depuis 1976, au bénéfice des entrepreneurs et des propriétaires nouvellement arrivés (50 milliards de marks de plus par rapport au super résultat de 575 milliards de 1989), presque 800.000 nouveaux postes de travail qui font monter à 25,5 millions le nombre de travailleurs occupés, le niveau le plus haut de l’après guerre. Et s’il est vrai que le % des chômeurs enregistrés est tombé seulement de 155.000, conséquence de l’important afflux des immigrés de l’est du pays, il est cependant descendu à 7,2% (soit 1.784.150 personnes), un % qui pour la première fois passe en dessous du niveau de 1982. Production et encaissements record sont signalés presque partout: dans les secteurs industriels de consommation, dans l’industrie automobile, dans le commerce de détail (700 milliards de marks encaissés, 70 milliards de plus que l’année dernière). Enfin l’inflation reste jugulée à 2,7%.

 Dans le communiqué du Bureau des statistiques, on précise que l’expansion de la production au bénéfice des entrepreneurs et des propriétaires a augmenté de façon vertigineuse suite à l’unification allemande, comme le confirme le président de ce Bureau: "une poussée arrivée au bon moment"! L’ouverture de la frontière inter-allemande, l’union monétaire et économique de juin et l’unification du 3 octobre ont fonctionné ensemble comme un "puissant programme conjoncturel".

Donc primauté allemande de pleine reprise jusqu’à la fin de 90, 8 années de "boom" presque ininterrompu pour la 3ème puissance économique mondiale, qui seulement au début de cette année a montré les premiers symptômes de ralentissement.

 C’est le revers de la médaille, un des nombreux mystères de la "statistique et des programmes conjoncturels ", et nous le relevons des quelques données, non seulement statistiques, sur l’évolution du marché de travail de ces derniers mois dans l’Allemagne "riche" de capitaux.

 La Ford de Cologne pour faire face à la demande-boom est contrainte d’avoir recours à des tour de rôle continuels d’heures supplémentaires, et parallèlement elle veut supprimer 850 postes de travail. Attitude analogue dans d’autres secteurs reliés à l’auto, par exemple à la Goodyear de Fulda, où sont enlevés 200 postes de travail. Beaucoup d’entreprises prennent de l’avance: la Kabel Metall, liée à Alcatel, fermera une usine entière et 540 personnes perdront leur travail; à la Hoechst de Wiesbaden, on annonce un excédent de 1000 sur les 7400 occupés parmi les ouvriers et les employés. La multinationale hollandaise Philips, qui au niveau mondial veut se débarrasser de 50.000 personnes sur 285.000, effectuera des coupes aussi en Allemagne. Et feront de même Telefunken, Triumph-Adler de l’Olivetti, l’Olimpia de Wilhelmshaven où la menace de coupe sombre concerne les 3000 salariés de l’usine.

Le secteur bancaire n’est pas non plus épargné: 2700 à la Bank für Gemeinschaft, 500 à la puissante et riche Deutsche Bank. Là où on n’annonce pas de coupe, on parle de réduction d’horaire: ainsi à l’usine de cuisinières Plaff de Kaisers-Lautern, ou à la maison qui produit le célèbre appareil photographique Leïka , ou encore à la SKF de Scheweinfurt qui fabrique des roulements à billes où 2000 personnes devront prendre des jours de vacances supplémentaires. Les premiers craquements sont apparus en novembre: le marché européen se bloquait, les affaires avec les Moyen Orient subissaient une stase à cause de la crise du Golfe, les exportations s’effondraient (entre octobre et novembre: 7,5%) même après la réévaluation supérieure à 12% du mark sur le dollar. A ceci s’ajoutent les effets du haut coût de l’argent (les intérêts sur les crédits tournent désormais autour de 10%, au lieu de 8% il y a quelques mois), causés par la substantielle croissance de l’endettement de l’État: 100 milliards en 90, 140 en 91.

 N’oublions pas la concentration industrielle qui ces dernières années a fait des pas de géants, permettant aux grands complexes allemands d’affronter la concurrence étrangère et de sortir presque toujours victorieux. Ce processus a provoqué l’anéantissement d’un tas de petits entrepreneurs et d’innombrables faillites de boutiquiers et d’artisans désarmés face à l’écrasant développement des Kaufhaüser, des centres commerciaux gratte-ciel, des grands magasins à prix standard.

 La condition des prolétaires à l’est est devenue dramatique, et représentera l’extrême de la misère typique à chaque ambiance capitaliste, ville, région, pays, et ceci d’autant plus que la société est moderne et opulente!

 Dans les cinq nouveaux Länder provenant de l’ex RDA, la situation devient de plus en plus précaire et dramatique, et le chômage atteint des niveaux vertigineux. En considérant les travailleurs à horaire réduit (en fait la grande majorité des chômeurs), les mises en retraite anticipée et les personnes attendant le sort de leurs entreprises, le nombre des chômeurs s’élève à 3,7 millions, 40% de la force de travail totale.

 Le 30 juin tous les accords transitoires en matière de sauvegarde des postes de travail et d’entrée "douce" dans l’économie de marché (sur 9000 entreprises, seules 600 ont été privatisées) ont expirés. La Treuhandanstalt, la société financière qui contrôle une grande partie du système économique de l’ex RDA n’est plus en mesure de surseoir aux "décisions très douloureuses"; des 3,7 millions de chômeurs, seule la moitié pourra compter sur un poste de travail, ce qui signifie la fermeture de nombreuses entreprises, la disparition de secteurs productifs (celui automobile, par exemple), et une réduction drastique des autres. C’est le cas de l’électronique d’Erfurt où l’on prévoit 10.000 licenciements sur 23.000 personnes, des chantiers navals du nord, où seront réduits de moitié les 47.000 salariés (ils étaient 55.000 jusqu’à l’année passée). Tout en ayant des commandes jusqu’en 1993 (102 navires à construire, 44 en option), les 12 points de production situés sur la Mer Baltique courent le risque sérieux de fermer entre temps, étant donné que les contrats furent signés avant l’unité monétaire de cet été. Le prix conclu alors ne couvrirait pas le coût du matériel et la construction des navires devrait être subventionnée au moins à 50%, en tenant compte de la nécessité de moderniser les installations, d’éliminer les vieilles dettes et la concurrence des chantiers navals bien plus modernes de Kiel, Brême et Emden à l’ouest (Hambourg a pratiquement déjà disparu), déjà soumis à de très sévères cures d’amaigrissement. Pour protester contre la menace de perdre leurs postes de travail, il y eut diverses manifestations, et à Rostock, seulement, 35.000 ouvriers sont descendus dans la rue. D’autres secteurs sont en danger: 540.000 postes de travail dans le secteurs métallurgique, 150.000 dans celui chimique et dans l’industrie du verre, 160.000 dans le textile et 50.000 dans le secteur énergétique. A ceci s’ajoute une coupe de 400.000 dans l’agriculture et 700.000 dans l’emploi public. Un véritable bulletin de guerre! Les contre mesures adoptées servent à peu de choses: 36.000 postes dans divers secteurs "d’utilité sociale" financés par l’institut de Norimberga d’assurance contre le chômage; 200 à 250.000 postes crées dans le même but par le ministère du travail tandis qu’un nombre équivalent de travailleurs sera envoyé dans des cours de mise à jour et de requalification. Selon les estimations des différents ministères, le nombre des chômeurs oscillera bien vite entre 3 et 4 millions et seule une personne sur 6 (ou sur 8) pourra compter sur un travail!

 A cette offensive bourgeoisequi prend les traits typiques et explicites de la répression la plus violentela classe ouvrière est appelée à répondre avec son organisation de classe.

GUERRE A LA GUERRE!
 
 
 

 


GRANDE BRETAGNE

L’attaque concentrique contre les travailleurs britanniques continue

Pendant quelques mois Liverpool s’est trouvée au centre de l’attention du public britannique, tandis que les politicards des différents partis bourgeois, adroitement soutenus par les moyens d’information, lançaient leurs attaques organisées contre la classe ouvrière. Il s’est agi d’une entreprise tout à fait agréable à la classe dominante, puisque cela ne lui a rien coûté. Le prolétariat au contraire n’a pas réussi à fournir une véritable riposte à cause des groupes soi-disant à gauche et des divisions opérées par les syndicats, qui ont canalisé toute la réponse prolétarienne vers le marécage de la politique parlementaire et municipale; la classe, ainsi emprisonnée, s’est transformée en un ballon de football que les bourgeois tout à leur aise pour frapper se renvoyaient d’un point à l’autre du terrain.


 Dans les deux dernières décennies, le déclin de l’économie britannique, surtout dans sa grande industrie, a principalement touché les zones du nord du pays. Puis ce fut le tour des Midlands au développement fondé sur la production des biens de consommation. cette tendance a d’abord préoccupé la classe des patrons, mais plus après la formation du gouvernement de Mme Thatcher en 1979. Plein de cette arrogance qui dérive de la seule stupidité et ignorance, la New Right (ou Nouvelle Droite, qui pour une raison inexplicable s’auto définit comme "radicale" et "libérale") veut reconstruire la société à son image. L’avenir sera aux industries de services, la finance, les marchés actionnaires, les grands magasins, etc.. Les horribles règlements seront ignorés, les marchés seront libérés de façon à ce que celui qui voudra profiter de l’opportunité pourra s’enrichir! Cette Nouvelle Droite était soutenue en ceci par les défenseurs du libre marché que nous pouvons appeler l’école d’économie Bonehead (tête d’os), représentée par des gens comme ceux de l’Institut Adam Smith, les élèves de Milton Friedman, et c... Pour eux, la fête ne s’interrompt plus, avec les sous venant d’on ne sait où, et d’ailleurs on s’en fout!

 Mais de même qu’à la nuit succède le jour, la crise suit l’expansion, les marchés se saturent, les prix de la propriété diminuent sous le plancher, les banques et les sociétés financières se retrouvent avec des problèmes insolubles, l’argent disparaît avec la même rapidité qu’il était apparu, et tout prend une saveur amère. Le Système de marché, tant applaudi, se montre être une plaisanterieet les capitalistes occidentaux voudraient enseigner à leurs frères russes comment gérer l’économie?!

 La crise des deux dernières années a frappé l’Angleterre méridionale simplement parce qu’elle a été en pratique la seule zone à bénéficier du boom de la consommation en 1988. C’est pourquoi les villes du nord, qui ne se sont presque pas aperçus de ce boom, ont ressenti bien peu la récession; mais aussi parce que le déclin de leurs fortunes économiques a été d’une autre profondeur et durée. Liverpool constitue l’exemple le plus évident de cette tendance: autrefois appelée la Porte de l’Empire, aujourd’hui on la dénomme la Naples du Nord!

 Avec le déclin des industries manufacturières, le secteur public est devenu le dernier grand patron; or ce secteur apparaît de plus en plus à la bourgeoisie comme un refuge pour les prolétaires, où ils peuvent trouver quelque sécurité quand la tempête se déchaîne dans les secteurs privés. On ne peut pas permettre que ces prolétaires restent tranquillement sans soucis, tandis que la crise s’étend dans le sud. S’ils ne craignent plus les conséquences des crises économiques et des vacillements des marchés, ils pourraient se faire des idées fausses sur leur position dans la société civique!

 La bourgeoisie passe à l’attaque des travailleurs des organismes locaux. Avec le déclin de l’industrie lourde et aussi légère, de larges couches ouvrières ont été absorbées par le secteur public, comme les structures d’organismes de gouvernement local et de service sanitaire national. C’est vers ces travailleurs que se tourne de plus en plus l’attention du gouvernement central: ici des attaques aux salaires, là des licenciements, et l’on brade même au secteur privé. Le noble but des Tories est de faire disparaître les différences d’exploitation et de chômage entre travailleurs publics et privés.

 La stratégie de l’attaque contre l’emploi public consiste à réduire les financements de façon à contraindre de nombreuses entreprises et administrations à réduire leur personnel. Le gouvernement a voulu ainsi décharger les conséquences de la crise économique directement sur les entreprises étatiques. Le chômage augmente et touche particulièrement les jeunes et les minorités ethniques .

A Liverpool, les conseillers de "gauche", travaillistes ou non, ont été remplacés récemment par un groupe de droite du parti travailliste, et dénommé "modéré". Cette aile "modérée" se présente comme le type de travaillistes "responsables", de ceux bien connus et appréciés de la bourgeoisie pour leur longue tradition anti-ouvrière. Ce n’est certes pas dans l’attaque actuelle que ces messieurs ont manifesté leur modération! La nouvelle direction, observant strictement les directives du leader Neil Kinnock, a décidé d’obtenir un bilan qui, après tant d’années de passif, rentre finalement dans les lignes de la politique économique inspirée par White Hall, et qui permettrait d’instaurer de bonnes relations avec le gouvernement. Pour atteindre cette "balance des comptes", un millier de travailleurs ont été déclarés en excédent, et donc condamnés au licenciement, et il n’est guère étonnant que les intéressés n’aient pas été du tout d’accord dès le début avec les promoteurs de la purge. Les organismes municipaux n’ont pas la renommée en Grande Bretagne d’être des patrons généreux, et en réalité pour avoir des salaires acceptables, les travailleurs devaient les compléter par des primes ou des heures supplémentaires; mais jusqu’à maintenant leurs postes de travail étaient au moins considérés comme sûrs. Désormais ces petites certitudes sont remises en question. Les travailleurs ont réagi en prenant diverses initiatives, tracts, occupations, menaces de grève . Les petits bonzes, qui ont toujours en main le mouvement, ont inventé un truc pour faire économiser des sous aux travailleurs: seuls les travailleurs des secteurs clé comme ceux du département des Finances feront la grève! Une mobilisation massive et plus efficace est ainsi évitée . Naturellement cette désastreuse tactique n’a servi qu’à isoler les différents groupes de travailleurs, et à créer un climat de peur et de suspicion, dans lequel la patronne municipale peut se mouvoir à son aise.

 Une des propositions avancée pour résoudre le conflit a été celle de la privatisation de certains services, comme celui du ramassage des ordures. Si la commune ne réussit pas à "réorganiser" le service, en réduisant le personnel et en augmentant les charges de travail que le privé le fasse, en y gagnant des sous! Ainsi la firme française Onyx a reçu sur un plateau d’argent le service entier du nettoyage urbain. De nombreux employés communaux seront embauchés par Onyx, tandis que le reste sera reconverti dans d’autres fonctions, s’il n’est pas licencié. Dans ce cas, l’apparence est celle d’une commune qui a perdu la bataille, du moins sur le papier. En réalité, deux autres processus se vérifient parallèlement. Le premier est l’auto-licenciement de travailleurs qui en ont assez et qui acceptent volontairement la retraite anticipée; beaucoup d’entre eux sont âgés ou en mauvaise santé, et ils ont mal supporté les tensions et pressions exercées sur eux ces derniers mois par les dirigeants communaux qui les ont pris pour cible avec acharnement! Les dirigeants syndicaux n’ont pas réagi à cette perte d’emplois, même si par la suite ils ont criminalisé ces travailleurs en les dénonçant dans des "listes de proscription" comme des travailleurs qui ont "pris des sous", qui ont "vendu leur poste"! L’autre processus est le "gel" du recrutement de nouveaux travailleurs, les postes libres ne sont pas couverts et les chômeurs restent chômeurs! Mais en plus de ceci, une autre tactique plus insidieuse a été adoptée: toute augmentation de salaire ou de travail (la commune emploie un grand nombre de travailleurs à temps partiel, qui coûtent moins cher) doit être payée avec les sous du budget; les travailleurs intéressés doivent donc d’abord être d’accord sur les coupes (dont les licenciements font partie), avant de pouvoir espérer une augmentation de paye. Cette manoeuvre avait pour but de diviser les travailleurs, et elle y est parvenue.

 Les "modérés" ont ouvert les hostilités contre les membres de leur parti, avec l’intention de faire place nette à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec cette offensive anti-ouvrière. Divers courants soi-disant de gauche, qui ont tenté de transformer le parti travailliste en ce qu’il n’a jamais été, c’est-à-dire un parti de la classe ouvrière, sont en voie d’être expulsés; une conséquence tout à fait logique! Si le parti travailliste représentait quelque chose dans le passé pour la classe ouvrière, depuis la première guerre mondiale il s’est transformé sans équivoque en un bastion du capitalisme et une partie essentielle du système de défense de la société actuelle. Et ceux qui au contraire ont tenté de limiter le heurt avec les "modérés" sur le terrain électoral, ont donné plus de force à l’aile droite.

 Le duel entre les deux candidats rivaux du parti travailliste a permis de déchaîner une autre attaque contre les salariés communaux, en leur faisant porter la faute de tous les problèmes financiers de la ville. Comme preuve du comportement irresponsable des travailleurs, ils montrent du doigt aux bons citoyens les montagnes d’ordures non ramassées; ainsi les travailleurs habitant la ville se trouvent opposés à ceux communaux. Tandis que droite et gauche du parti travailliste se disputaient pour la représentation électorale, une atmosphère de chasse aux sorcières se développait contre ces travailleurs, masquant les véritables problèmes.

 Seule la lutte de classe aurait pu renverser la situation. En cherchant à annuler les différents et les incompréhensions séparant les catégories ouvrières, publiques et privées, en démontrant que l’attaque est en réalité généralisée à toute la classe, et que par conséquent cette dernière doit y répondre unitairement: c’est seulement de cette façon que les ouvriers auraient pu sortir victorieux de ces embuscades sauvages organisées par le patronat des secteurs public et privé. Au contraire les prolétaires de Liverpool, et non seulement de Liverpool, continuent désespérément et aveuglément de garder leur confiance en de viles traîtres qui passent leur temps à discuter sur l’opportunité de "travailler à l’intérieur du Labour Party" afin de rester avec les "masses". Toujours le même discours pour une classe ouvrière de plus en plus désorientée et désillusionnée!
 
 
 
 



LA GAUCHE ITALIENNE ET L’INTERNATIONALE COMMUNISTE (1919-1926)

IV - LA FONDATION DU PARTI COMMUNISTE D’ITALIE LE 21 JANVIER 1921 A LIVOURNE, ET LES PREMIÈRES TÂCHES

V - LA NOUVELLE TACTIQUE DE L’I.C. ET LA CRITIQUE P.C.D’I (1921-1922).

 
 






VIE DU PARTI

LA RÉUNION DU PARTI DU 2 ET 3 FÉVRIER

[RG49]

Nous avons tenu la réunion périodique du parti à Florence les 2 et 3 février avec la participation de la quasi totalité des militants provenant d’Italie, de France et de Suisse. Les camarades de langue anglaise, leur présence n’étant pas possible, avaient envoyé par écrit leur travail.

La réunion, se déroulant quelques jours après l’éclatement de la guerre du Golfe, s’est ouverte par un rapport sur ce sujet qui bouleverse tragiquement la vie de millions d’hommes, et confirme pour nous communistes notre haine de la société du capital et notre détermination à travailler pour sa destruction. L’étude, dont fut présentée seulement une ébauche, considère toute la région médio-orientale, insistant surtout sur l’analyse de son évolution économique, des rapports de force entre les classes, de la formation des différents États nationaux, pour arriver à la démonstration de la nature actuellement contre-révolutionnaire du nationalisme, du panarabismeet du panislamisme, ce dernier déjà condamné par les thèses du 2ème Congrès de l’I.C.

Le rapporteur se rattachait à tout le travail très intéressant fait par le parti depuis les années 50, quand les jeunes bourgeoisies arabes donnèrent vie, avec l’appui du prolétariat et de la paysannerie pauvre, en se fondant souvent sur les structures de l’armée, à une série de révoltes nationalistes contre les régimes semi féodaux liés par un double fil à l’impérialisme. Le moment était favorable puisque parallèlement se déroulait la lutte entreprise par le puissant et dynamique impérialisme du dollar pour remplacer l’hégémonie franco-britannqiue dans la région. Ce travail de parti, depuis lors sans cesse poursuivi, s’intensifia dans la seconde moitié des années 70, à la suite de l’éclatement de la guerre civile au Liban, et à l’aggravation de la question palestinienne qui donna naissance à des épisodes, bien qu’isolés, de vive lutte prolétarienne, comme dans le cas de la Commune de Tell El Zaatar; on parvint alors à la formulation de solides conclusions sur la question du Moyen Orient qui reprennent les positions du marxisme révolutionnaire pour répondre aux suggestions, alors très vives, du nationalisme armé mais sans issue, de la solidarité interclassiste, de l’anti-impérialisme démocratique; et ces conclusions sont demeurées des points fondamentaux sur lesquels s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui le travail du parti.

Ce premier exposé traçait avec l’aide de cartes géographiques les caractéristiques géophysiques de la région, rappelant ensuite les épisodes principaux de l’histoire plus récente, reparcourant finalement les étapes qui ont conduit à l’invasion du Koweit et à l’intervention de l’armée USA et des pays alliés.

Furent ensuite commentés les tableaux représentant la crise économique aux États Unis, Japon et Allemagne. Pour la première déjà on mettait en relief la nette régression du taux d’incrément de la production industrielle à des valeurs inférieures à zéro, tandis que les autres puissances maintenaient encore des rythmes positifs. On pouvait aussi en tirer une explication de l’attitude différente de ces trois pays face à la guerre en cours: crise économique et héroïsme militaire vont de paire. D’autres graphiques montraient l’allure de l’inflation qui était reliée à la production.

Afin de reproposer pour le travail du parti l’ "épineuse question syndicale", un troisième camarade a donc présenté un schéma qui entendait encadrer à un niveau théorique le thème du lien entre "instinct matériel et physiologique et connaissance". En considérant que pour le matérialisme historique ce n’est pas la conscience, mais la lutte des classes déterminée par le rapport entre les forces productives à l’échelle historique et les formes sociales qui se modèlent sous leur poussée, qui fait l’histoire, il a été démontré comment, en partant de ces principes élémentaires et irrévocables, tous les mouvements politiques et sociaux ennemis partent au contraire du pôle opposé, en proposant des schémas sociaux absolument incapables d’affronter le thème de l’émancipation sociale prolétarienne, et se révélant par conséquent hostiles et antithétiques à la conscience communiste.

On a souligné naturellement comment, dans notre vision, des poussées physiologiques qui comportent la tendance à la défense des conditions de vie de la part du prolétariat moderne, on arrive à la conception marxiste de la possibilité, voire de la nécessité historique du renversement de la praxie, c’est-à-dire à l’inévitable passage, dans le heurt des classes, à la dictature du prolétariat, qui en quelques mots consiste en la prise du pouvoir politique et militaire par le parti unique de la classe ouvrière pour le passage au régime social communiste.